December 13, 2024

Alerte au Kremlin - 3 - la web série

 Partie 3

Quatre jours plus tard, par une nuit de pleine lune, le SNA fit surface à l’ouest de Maløy en Norvège. Jacques suivit le Pacha en haut du massif et contempla la mer. Elle était d’huile et un silence profond régnait, interrompu seulement par la caresse délicate d’une houle régulière contre la coque épaisse du submersible.
À l’est, la côte s’étendait sur des kilomètres avec ses pentes abruptes. Sur les cimes les plus élevées, des traces de neige étincelaient.

Le Pacha pointa une avancée abrupte qui se distinguait clairement, marquée par le ressac et des jets d’écume argentés.
 « C’est là », dit-il. Jacques frissonna alors que des embruns gelés, projetés lorsqu’une vague heurtait le sous-marin sur bâbord, lui lacèrait le visage.

Instinctivement il murmura à l’oreille du Pacha :
 — Quand ?
 — Demain, à environ 13:10, d’après nos calculs.
 — Des risques ?
 — Un destroyer, plus au nord, d’après nos informations. Sinon rien.
 — Ok.

Ils descendirent en silence. Au PC, les hommes étaient penchés sur leurs écrans. Chacun semblait absorbé par sa tâche. Il aimait cette ambiance, le clignotement des diodes, les bruits étouffés. Il allait dépendre de ces marins. Des taiseux. Il en connaissait certains, croisés dans les couloirs ou à la cantine, depuis son arrivée ou lors d’une mission précédente. On lui parlait peu. Seul le Pacha et le second étaient cordiaux. Pour les autres, il restait un étranger. Pourtant, il y avait, chez eux, une forme de respect. Il avait acquis une réputation…

Il se pencha sur la grande carte électronique. Le pilote avait tracé un grand quadrilatère et marqué clairement la position de l’objectif, sa direction, sa vitesse. Il aperçut aussi le dernier relèvement du destroyer, à plus de 50 nautiques. Sur la carte, cela semblait un jeu d’enfant.
Le tracé de la côte était plus accidenté que ce qu’il avait cru apercevoir. Les courbes montraient que, très vite, la profondeur des eaux permettait aux navires de se rapprocher de la pointe sans danger. Le Colonel avait vu juste. C’était le point idéal.

Voulez-vous dîner avec moi dans la cabine ? demanda le Pacha.
 — Avec joie, dit Jacques.
 Le dernier repas du condamné, pensa-t-il, avec un demi-sourire.

11h43, le lendemain. Il n'était pas question de s'attendrir sur son sort. Jacques se dirigea vers l'avant du SNA, où l'attendait son équipement. Outre sa tenue de plongée, il disposait d'un système de propulsion sous-marine capable de le tracter à plus de 4 nœuds sous l'eau. Il y arrima la petite « surprise » qu'il était chargé de transporter depuis Brest. Il vérifia l'état des batteries, la pression de ses bouteilles d'oxygène, puis fit signe aux deux marins qui le regardaient avec curiosité.

— Aidez-moi à placer tout ça dans le tube numéro un.

— Oui, monsieur.

Monsieur… Il sourit. Personne ne connaissait son ancien grade dans la marine. Il les aida à disposer le tracteur, qui à lui seul pesait 135 kg, sans compter le poids de  sa « surprise ».

Jacques prit son repas à 12h15 en silence. Il avait l'habitude de ces missions compliquées, pourtant le stress était toujours là, lui agrippant les tripes comme un cerceau de fer. L'année précédente, il avait assisté à l'oraison funèbre d'un ami, mort en mission et dont le corps n'avait jamais été retrouvé. Une célébration sordide aux Invalides, malgré la présence de nombreux amis, des marins pour la plupart, dont le pacha qui commandait aujourd'hui ce bâtiment. La douleur était là. Il ne pouvait l'effacer. Sans un mot, il se dirigea vers l'avant, enfila sa combinaison grand-froid. Alors qu’il ajustait sa tenue, il aperçut le pacha, venu pour le saluer avant son départ. Une tape sur l'épaule. Un sourire. Il se glissa dans le tube lance-torpilles, ajusta son masque et leva le pouce.

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