Il avait rencontré la jeune femme un dimanche en plein hiver. Dans une boulangerie du 15e, elle avait choisi le gâteau dont il rêvait. Grande, élancée, avec des cheveux longs et légèrement bouclés, elle avait soutenu son regard quand il avait exprimé son dépit. Était-ce son côté loup de mer qui l’avait séduite ? Il n’oserait jamais lui demander. De vingt ans son aîné, il la dominait d’une bonne tête, mais Doreen avait du caractère. Et la passion qui les avait embrasés avait gommé cette différence.
Sollin sortit brusquement de son rêve. Les deux Turbomeca vrombissaient dans un vacarme épouvantable. Le H225M se souleva sans peine, lesté d’un plein de kérosène, et reprit sa route vers le Nord.
Deux heures plus tard, Jacques pendait dans le vide, suspendu au Caracal qui tentait de s’approcher du massif où un marin l’attendait avec une grande gaffe. Le vent, la force des grandes hélices, la houle, tout était contre lui. Une pluie froide n’arrangeait rien. Le SNA, sorti de la mer quelques minutes avant leur arrivée, semblait bien difficile à atteindre par ce vent de 30 nœuds. Mais Marc pilotait comme un chef, et Sollin finit par s’aggriper à l’échelle avant de libérer le filin.
Il pénétra en hâte dans le sous-marin. Trempé par la houle, frissonnant et dégoulinant d’eau salée il accueillit avec bonheur la chaleur qui régnait dans le PC. Dans l’antre du monstre, le silence régnait. On n’entendait que le bruit discret des vérins et des pompes qui s’apprêtaient déjà à plonger l’engin sous la surface.
Il reconnut le pacha qui l’accueillit à bord.
— Bienvenue, Jacques.
— Salut, commandant.
— Prêt pour une nouvelle mission ?
— Oui, commandant.
Une demi-heure plus tard, Jacques était couché dans la bannette qui lui était réservée. Le sous-marin venait de traverser la couche thermocline et s’enfonçait encore plus profondément dans les fonds bathyaux. Il savait que la traversée serait longue. Il se mit à rêvasser. Le visage de Doreen lui apparut à nouveau. Son départ n’avait donné lieu à aucun sanglot, juste une tension, comme à chaque fois qu’il partait. Il lui semblait que son lien avec elle tenait à un fil. Pourvu que cette mission soit rapide.
Il se demandait si, un jour, il pourrait rester à terre, se « ranger » ? Serait-il heureux derrière un bureau ? Avant Doreen, il n’y pensait pas un instant. Depuis, il l’envisageait, mais plus à cause d’elle que par goût. Ce qui l’attendait n’était pas rose. Une nouvelle mission impossible, du genre de celle qui lui était toujours réservée.
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